Economie

BTP 83

Jean-Jacques Castillon : « Le trou d'air, c'est pour bientôt » !

Un an après leur lettre ouverte aux élus varois pour une reprise rapide et durable du marché de la construction, les professionnels du secteur se sont retrouvés le 12 avril, au siège de la Fédération du BTP 83, pour faire le point de la situation à l’issue du premier trimestre 2021.

Ensemble, ils ont débattu de la relance de l’activité qui conditionne la pérennité des entreprises et l’emploi alors que les indicateurs du marché passent au rouge, que les prix des matériaux flambent et que le plan de relance tarde à montrer ses effets bénéfiques sur le carnet de commandes des entreprises.

Jean-Jacques Castillon, président de la Fédération du BTP du Var, fait le point de la situation de la filière.

Pourquoi avoir pris l’initiative de cette rencontre autour de la conjoncture de la construction ?

Jean-Jacques CASTILLON. Derrière l’image rassurante des chantiers en activité et d’un fonctionnement apparemment sans histoire du secteur de la construction dans cette économie semi-confinée, il y a une réalité bien différente que commencent à percevoir les acteurs de cette activité majeure dans le Var. C’est précisément pour aller au-delà de ces apparences trompeuses que nous avons réuni les représentants de la construction pour une table ronde sur le thème « Marché de la construction, attention à la panne ! » La réalité c’est que nous sommes passés d’un secteur salué pour sa résilience en 2020, capable de préserver ses salariés au cœur de la tempête, à un secteur aujourd’hui potentiellement menacé par un coup d’arrêt voire des pertes d’emplois si les objectifs de la relance ne sont pas tenus. Nous sommes dépendants de nos commandes.

Or, si globalement le BTP a tant bien que mal réussi sa reprise, le plus dur reste à faire, c’est la relance.

Justement, quel est le bilan de l’année 2020 pour le BTP ?

JJC. Le BTP a vécu une situation paradoxale. D’un côté, une chute violente de l’activité en 2020. Dans le Var, les chiffres à fin 2020 sont édifiants avec une chute des mises en chantiers de -12% pour le logement et -37% pour le non résidentiel. Dans les Travaux Publics l’activité cumulée s’affiche à -6%.
Pourtant d’un autre côté, l’emploi se maintient et on constate peu de défaillances d’entreprises.

Comment expliquez-vous ce paradoxe d’une année 2020 avec un niveau d’activité mauvais (même s’il aurait pu être pire) et une certaine résilience du secteur et de son outil de production qui est resté quasiment intact ?

JJC. Ce qui est sûr, c’est que la situation aurait pu être pire ! Les raisons sont multiples. La profession a vécu sur les acquis d’une bonne année 2019 et le carnet de commandes constitué avant la crise sanitaire. Les opérations mettent davantage de temps à se réaliser notamment à cause des mesures sanitaires donc le volume de travaux s’écoule moins vite et la reprise après le confinement du printemps 2020 a été vigoureuse notamment dans le privé avec des particuliers qui ont eu envie d’améliorer leur logement. Et puis surtout, les mesures de soutien financier aux entreprises ont permis de financer leur cycle d’exploitation. Il faut désormais sortir de ce dispositif et c’est là que les difficultés vont apparaître. Les arbitrages du Gouvernement sur les modalités du remboursement du PGE et des cotisations suspendues seront stratégiques.

Et que voyez-vous pour 2021 et au-delà ?

JJC. Nos indicateurs ne sont pas bons. Seules les autorisations (permis de construire) de locaux non résidentiels neufs sont à la hausse de +2% (après 37% de chute en 2020). Les autorisations de logements neufs sont en chute libre à près de -38% et la commande publique était toujours en forte baisse avec -26% de marchés publics de travaux publiés fin 2020 par rapport à fin 2019. Donc les perspectives sont peu réjouissantes.
Si l’on veut positiver, les travaux de rénovation énergétique peuvent apporter de l’oxygène pour une part du marché ainsi que le Plan de relance.
Mais tôt ou tard, nous serons touchés par le trou d’activité lié à l’arrêt de l’instruction des permis de construire et l’interruption de la commande publique en 2020. Le trou d’air, ça risque d’être pour bientôt. Reste à savoir quelle en sera l’ampleur !

Vous rencontrez actuellement les présidents des EPCI* varois. Que leur avez-vous dit ?
JJC.
Pour anticiper l’avenir, la Fédération a décidé d’assurer le service après-vente du Plan de relance auprès des collectivités. J’ai dit aux présidents des communautés de communes et d’agglomération qu’il fallait relancer les marchés de travaux ! Il est essentiel de lancer de nouveaux projets et d’aller chercher l’argent là où il est pour en assurer le financement. Le Var doit prendre sa part du Plan de Relance ! Nous nous sommes fixés l’objectif de dynamiser la relance dans tous les territoires varois en mobilisant les collectivités autour de « France relance ». Ce plan est en réalité une boite à outils financiers qui fait une sorte de synthèse de tous les dispositifs financiers. Il y en a forcément un qui correspond à chaque projet.
Le bilan est plutôt positif avec des territoires plus dynamiques que d’autres. Mais l’interrogation qui demeure c’est la rapidité d’exécution pour que les travaux arrivent vite ! L’enjeu, c’est de combler le trou d’activité et le déficit lié à l’absence de politique de soutien au logement neuf.

Que pouvez-vous nous dire de la flambée des prix des matériaux de construction ? Les risques de pénurie sont-ils avérés ?

JJC. C’est un problème mondial qui nous dépasse. La demande est forte alors que les capacités de productions ne sont pas rétablies et que les transports sont défaillants et couteux. Cette hausse des prix est significative, est-elle durable ou simplement passagère ? Depuis la fin 2020, les prix des matériaux flambent avec des hausses de l'ordre de 30 à 40% applicables de façon quasi immédiate. Tous les matériaux sont concernés : l’aluminium, le triptyque plomb-zinc-étain, le polyuréthane, l’acier, le bois de structure, les plastiques, les peintures, colles, vernis et dérivés chimiques… Le phénomène est d’autant plus considérable que des difficultés d’approvisionnement menacent ! Certaines entreprises se demandent si elles ne doivent pas interrompre leur activité plutôt que de travailler à perte !
Que peut faire la Fédération pour aider les entreprises face à cette situation ? Elle n’a pas de moyens d’agir sur les cours mondiaux des matières premières mais elle peut sensibiliser les maîtres d’ouvrages et leur adresser des demandes concrètes : ne pas appliquer de pénalités de retard, rendre systématique la révision et l’actualisation des prix dans tous les marchés et si cela ne suffit pas alors il faut faire entrer en jeu l’imprévision pour tenir compte de la réalité des prix.

Comme si cela ne suffisait pas, nous devons également faire face à l’augmentation du prix du GNR (gasoil non routier) qui doit augmenter au 1er juillet 2021. Ce n'est vraiment pas le moment de subir cette nouvelle augmentation programmée ! Nous en demandons le report au 1er janvier 2022.

Propos recueillis par Gilles CARVOYEUR

* Etablissements Publics de Coopération Intercommunale : communautés de communes, agglomérations, métropole.

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