Société

Logement social : 11 maires en colère

Hubert Falco : « En matière d'urbanisme, les maires subissent le diktat de l’État »

11 maires en colère ! Ne parlez pas de Plan local d'urbanisme, si vous souhaitez mettre en colère les 11 maires de la Métropole Toulon Provence Méditerranée !

Tandis que comme chaque lundi matin, les maires de la Métropole (hormis Marc Vuillemot, en déplacement à Paris pour un congrès sur le logement social), réunis en bureau communautaire, travaillent à préparer l'avenir de leur territoire, en évoquant ce qui va et ce qui ne va pas, les élus sont bien conscients qu'ils entrent dans une période mouvementée. Celle des 9 mois qui précèdent le rendez-vous de l'élection municipale de 2020.

Sur la question des logements sociaux, les villes de la Métropole héritent d'une situation carencée. Mais, de l'avis des élus, il apparaît que la loi ELAN ne marche pas. D'où leur proposition de la modifier. Plus qu'un vœu, c'est un véritable cri d'alarme qui est lancé par Hubert Falco et les maires de TPM. Car, les élus le constatent tous : En matière d’urbanisme, ils subissent le diktat de l’Etat.

Propos recueillis par Gilles CARVOYEUR

hubert falcoHubert FALCO, maire de Toulon, président de la Métropole :

« Qu'on entendent des critiques, ici et là, c'est la règle. Il faut les accepter comme on doit accepter les oppositions. Seulement, on y répond collectivement par la voix du territoire ».

TENSIONS ET CRISPATIONS SUR LE LOGEMENT

Aujourd'hui, le grand dossier sur la table, qui créent quelques tensions et crispations avec l’État et la majorité gouvernementale, c'est la question du logement et plus précisément du logement social.

Et sur ce point, Hubert Falco est en colère : « Ce que nous lisons aujourd'hui, c'est que le maire bétonne, que tous les maires de la Métropole sont des bétonneurs, car on construirait trop. Bien sûr, c'est faux car nous sommes pour une politique raisonnable en trouvant le bon équilibre entre construction et respect de l'environnement. Parce que nous aussi, nous voulons respirer un air pur. Seulement, cela ne doit pas nous empêcher de développer nos territoires. Nous sommes pour une politique réaliste et on nous impose une politique de construction de logements sociaux qui n'est pas réaliste ».

S'agissant de la politique en matière de logements, le maire de Toulon ajoute : « Cette politique nous échappe. L’État nous impose la construction de 11 000 logements sociaux par an sur le territoire de la Métropole ! Et, ici, sur le terrain, les représentants du gouvernement nous disent que nous sommes des maires bétonneurs. Aujourd'hui, à part La Garde, toutes les communes de la Métropole sont pénalisées. Cela représente une pénalité de 6 millions d'€ à payer !

A Toulon, la pénalité est de 1,2 millions d'€ en 2019. L’État me dit que je dois construire 2 300 logements de plus. En même temps, les représentants d'En Marche sont pour l'écologie. C’est une politique imposée et punitive » !

« Si nous voulons atteindre les objectifs de l’État, nous devons construire 71 040 logements en six ans sur le territoire de la Métropole ! Dans la Métropole, on construit 2140 logements par an. Mais, il faut tenir compte de la rareté du foncier, des zones agricoles et du prix du foncier ».

« Nous sommes pour la mixité sociale. En 2018, nous avons créé 7 800 établissements sur la Métropole (entreprises) et en face, il faut bien construire des logements pour accueillir ce développement. D'autant que les logements sociaux occupés par la Marine nationale ne sont pas pris en compte dans le calcul qui détermine les pénalités ».

Il conclut : « Nous sommes attachés à notre territoire mais nous voulons une politique de logements raisonnée et pas imposée ! La démagogie, c'est insupportable ! »

JL MASSONJean-Louis MASSON, député de la 3ème circonscription :

Jean-Louis Masson, ancien maire de La Garde, s'est félicité que sa commune ne soit pas pénalisée par l’État puisqu'elle est la seule de la Métropole à répondre à l'exigence des 25% de logements sociaux.

LOI ELAN CONTRE-PRODUCTIVE

Pour autant, il critique la politique du gouvernement, politique qu'il a combattu à l'Assemblée nationale au moment du vote de la loi ELAN par la majorité présidentielle : « Je me suis opposé au vote de cette loi et à l'obligation d'un quota de 25% pour les communes parce que je savais qu'il était impossible pour les communes de construire 25% de logements sociaux sur la totalité des logements existants dans une commune. Cette loi est une inepsie et j'avais prédit qu'elle ne marcherait pas. Il fallait autoriser 30% de logements sociaux sur le flux, sur ce qui est en train d'être construit, pourquoi pas, mais pas sur le stock, c'est à dire la totalité des logements d'une commune ! Le gouvernement voulait créer un choc de l'offre. C'est raté ! En baissant les APL, le gouvernement a baisser dangereusement les fonds propres des bailleurs sociaux. C'est un appauvrissement des HLM qui n'incite pas les bailleurs à construire. J'ai mis en garde le gouvernement. 1 ans et demi plus tard, la loi ELAN s'avère contre-productive. On est loin des objectifs du gouvernement. Résultat, les communes ne peuvent pas atteindre des objectifs de logements irréalistes et, pour cela, elles sont pénalisées » !

JEAN CLAUDE CHARLOISJean-Claude CHARLOIS, maire de La Garde :

Le maire ne supporte pas d'entendre à tout bout de champ : « Vous êtes un maire bétonneur ! La loi nous oblige à diversifier et à construire la ville sur la ville. L’Etat incite, également, les offices HLM à se regrouper. On risque de se retrouver face à des bailleurs sociaux géants avec lesquels tout sera décidé de Paris ! En tant que président de la SAGEM, j'essaye de mettre sur pied un regroupement d'offices HLM locaux pour dépasser le chiffre des 12 000 logements car je souhaite garder le contrôle sur la gestion des logements sociaux ».

JEAN PIERRE GIRANJean-Pierre GIRAN, maire de Hyères

Pour Jean-Pierre Giran, ce n'est pas le maire qui dirige la politique de l'urbanisme : « Le PLU se fait sous l'autorité de l’État. On nous impose de construire 25% de logements sociaux d'ici 2025. Si on n'obtempère pas, le PLU ne passe pas ».

UN PARTI EN MARCHE SCHIZOPHRENE

« Quand on définit des zones d'urbanisation, on essaie de faire le meilleur projet possible. Aujourd'hui, on va vers la réalisation d'écoquartier. En termes de logements sociaux, si le maire traîne les pieds, l’État prend la main. Et en retour, la commune est déclarée en carence et on doit payer des pénalités. Quand l’État prend la main, c'est lui qui donne les permis. L’État ne cherche pas à créer un équilibre entre logements libres et logements sociaux, l’État fait des statistiques. On peut craindre, ensuite, une urbanisation galopante et débridée ».

D'où son énervement face à l'attitude des élus d'En Marche : « C'est insupportable de voire la schizophrénie des élus d'En Marche ! Parce que ne faire que des logements sociaux, c'est n'importe quoi ! Nous, on veut faire de la mixité sociale en tenant compte du prix du foncier. Parce que les logements sociaux sont des opérations déficitaires. S'il n'y a pas de logements libres, on ne peut pas financer le logement social. Les élus d'En Marche sont schizophrènes et incompétents » !

Il reprend : « Que les obligations portent sur le flux et non sur le stock ».

« Compte-tenu des contraintes propres à chaque ville (incendie, inondation, submersion, zone agricole, loi littoral, zone classée Natura 2000), l’État empêche que l'on respecte les obligations qu'il nous impose ! L’État est dans la situation du pyromane et les élus d'En Marche dans celle des pompiers. Quoique que le maire fera, il sera contraint par la loi. Ce n'est pas faire preuve d'une grande honnêteté intellectuelle, quand on est candidat, de dire sur le terrain comme le fait En Marche, le contraire de ce qui se décide à Paris » !

HERVE STASSINOSHervé STASSINOS, maire du Pradet :

Hervé Stassinos fait le même constat : « Personne ne conteste la nécessité de créer des logements sociaux. Mais la loi SRU ne fonctionne plus. Elle connaît un vrai blocage. Au Pradet, nous devons passer de 8 à 25% de logements sociaux. Les finances communales ne le permettent pas ! Le pire, c'est que les services de l’État savent que les objectifs sont inatteignables. Nous sommes dans un bras de fer avec l’État. Par chance, on vient d'apprendre que la ville de Neuilly-sur-Seine vient de l'emporter devant la Cour d'appel dans un procès qui l'opposait au Ministère du Logement. De la même façon, la Métropole envisage de faire un recours ».

OBJECTIFS INATTEIGNABLES

« Car pour les élus du territoire, il s'agit de conserver la vocation touristique de la Métropole : Il faut accompagner le développement touristique et développer un tourisme de qualité qui sera créateur d'emplois. Car, l'emploi reste la meilleure insertion sociale. C'est pourquoi, on demande un traitement spécifique et qu'une expérimentation soit lancée sur notre territoire ».

CHRISTIAN SIMONChristian SIMON, maire de La Crau :

Christian Simon a rappelé son opposition constante à la création démesurée de logements sociaux et la ville est en carence depuis 2013 : « La Crau compte 7 760 logements. On nous demande de construire 1 394 logements sociaux et d'ici 2025, ce sont 1860 logements sociaux qui devraient être construits sur la commune. Depuis dix ans, nous avons construit 1000 logements dont 270 logements sociaux soit 27% du total. Dans le même temps, nous avons payé 464 000 € de pénalités en 2017, 837 000 € en 2018 et 860 000 € en 2019 ! Cela représente 5% du budget communal. Ces pénalités représentent autant d'investissements qui n'ont pu être menés par la commune : des infrastructures, des routes, des écoles. La demande des habitants en logements sociaux se monte à 300 pour notre commune et on doit en construire 18 000 » !

Ce qui lui importe plus, c'est de préserver les 50% de la communes constitués de zones agricole : « Je souhaite conserver un esprit village à la commune. Pas question de bâtir des tours à La Crau » !

GILLES VINCENTGilles VINCENT, maire de Saint-Mandrier-sur-Mer :

« Nous ne pouvons pas appliquer les lois SRU, DUFLOT et ELAN ! Plus petite commune du Var en superficie (540 hectares), dont 50% du territoire est occupé par la Marine nationale et 50% est protégé par la loi Littorale, le PLU, réalisé il y a deux ans, prend ces contraintes en compte ».

CONSERVER L 'ESPRIT VILLAGE

« Nous souhaitons conserver un esprit village à la commune et comme à La Crau, il n'est pas question de faire des tours ! Alors que nous donnons en moyenne, une centaine de permis de construire par an. La commune ne compte que 6, 7% de logements sociaux. L’État nous demande de rattraper notre retard et nous impose la construction de 500 logements ! Nous avons demandé au préfet de réaliser 50% de logements sociaux dans les nouvelles constructions, mais il a refusé. Le PLU a été contesté par le préfet. A ce jour, la réalisation de 380 logements correspondrait à la demande des habitants de la commune. J'ai écrit au président de la République, j'ai rencontré de nombreux ministres. Personne ne répond » !

THIERRY ALBERTINIThierry ALBERTINI, maire de La Valette-du-Var :

Thierry Albertini a apporté une double expertise. D'une part, en tant que maire et, d'autre part, en tant que vice-président de Var Habitat : « 40% de logements sociaux dans le PLU, cet objectif est inatteignable ! L’État est schizophrène car il empêche les offices publics de construire des logements sociaux, par le biais de la hausse de la TVA et la baisse des APL (Allocation logement). Avec ces deux mesures, Var Habitat perd 5 millions d'€ par an de fonds propres. Je constate une forme de schizophrénie de l’État qui empêche, d'un côté, les offices HLM de construire des logements sociaux, avec la baisse des APL. Comment peut-on demander aux villes de construire des logements sociaux, si, dans le même temps, on empêche les offices HLM de construire ces logements. Avec ces décisions, Var Habitat passe de 450 logements construits par an à 150 ».

robert massonRobert MASSON, maire de Carqueiranne :

« Aujourd'hui, dans notre commune, c'est le préfet qui a la main sur les permis de construire. C'est lui qui donne son avis sur les permis que nous accordons. Car, l’État nous réclame 50% de logements sociaux sur les 498 logements que nous devons construire.

Parce que l’État a pris la main sur le PLU, j'ai pensé donné la parole aux habitants de Carqueiranne en lançant l'opération Cœur de Ville. On se dirige donc vers la réalisation d'un écoquartier qui prendra en compte, notamment, les questions de ruissellement.

En même temps, comme la commune est carencée en logements sociaux, la ville paye une pénalité de 524 684 € » !

ROBERT BENEVENTIRobert BENEVENTI, maire d'Ollioules :

Pour le premier magistrat d'Ollioules, « l'erreur du gouvernement, c'est d'établir une règle qui s'applique à tous mais qui est, en réalité, basée sur la situation de l’Ile de France ! A Ollioules, la ville a fait le choix de racheter des bâtiments en centre-ville pour les transformer en logements, parce que les bailleurs sociaux ne vont pas investir pour créer 3 ou 4 logements. Cette opération nous permettait de déduire nos investissements de la pénalité payée à l'Etat. Mais, le gouvernement a décidé de ne plus prendre en compte ce genre d'opération dans le calcul de la pénalité ! On a donc la double peine. D'une part, un coût supérieur pour la réhabilitation de ces vieux bâtiments et, ensuite, le paiement de la pénalité. Je constate que nous n'avons aucune écoute. Les causeurs parlent, mais ils ne font rien » !

 

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