Economie

Réforme de l’apprentissage

Yannick Chenevard : « De nobles objectifs mais de mauvaises réponses »

Pour le vice-président de la Région, en charge de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’apprentissage, « l’apprentissage, filière d’excellence est une priorité régionale ».

Mais, si la réforme de l’apprentissage est une opportunité historique et une occa-sion inédite en France, depuis plus de 30 ans, pour affirmer la position de ce mode pédagogique comme filière d’excellence, il déplore que ce projet de réforme ne soit focalisé que sur une seule thématique : la voie unique du financement et de la gouvernance. Pour Yannick Chenevard « cette voie est une impasse ».

Pourquoi la Région Sud peut prendre position sur ce sujet ?
Yannick Chenevard : Parce que les deux dernières années nous avons fait de l’apprentissage « une filière d’excellence » : la Région a ouvert 1 734 places sup-plémentaires devenant ainsi la deuxième région la plus dynamique de France hors Île-de-France,
Nous étions au 31 décembre 2017 à 30 000 apprentis dont 8 000 dans l’enseignement supérieur ce qui représente une hausse de 16 % des apprentis en Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2 ans. La Région a fait la démonstration de son efficacité en la matière.

La Région a également passé des conventions...
YC. En effet, ces deux dernières années, nous avons passé avec chacun des 63 CFA des conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens et mis en place un co-pilotage semestriel. Un travail qui a porté ses fruits. C'est une pratique exem-plaire qui est, désormais, portée au niveau national par certaines organisations consulaires. Nous consacrons 143 millions d’€ (soit une hausse de 25%) à l’apprentissage. Un budget exceptionnel alors que la fraction de la taxe d’apprentissage et de la TICPE perçues par la Région n’est que de 110 millions d’€. Concrètement, la Région dépense plus que ce qu’elle perçoit. C’est 33 mil-lions d’€ qui sont ajoutés pour accompagner le fonctionnement de l’apprentissage et le quotidien des apprentis.

Vous êtes également satisfait des taux de réussite...
YC. Effectivement, la Région peut se targuer d'un taux de réussite de nos appren-tis de 80 % tandis que leur insertion à 6 mois est de 70%. Nous démontrons que l'apprentissage est une voie d'excellence. Tout cela nous le faisons déjà avec les organisations consulaires, les branches professionnelles, les directeurs de CFA, l’Éducation nationale, l’Université auxquels il faut ajouté le TOP 20 des entre-prises en Région Sud, les Campus des Métiers et des Qualifications adossés aux Opérations d’Intérêt Régional.

Mais il y a encore à faire ?
YC. Il faut utiliser les outils législatifs existants, c'est à dire les classes prépara-toires à l’orientation et à l’apprentissage. Ainsi, à la rentrée 2018, nous mettons en place avec les rectorats les DIMA (Dispositif d’initiation aux métiers en alter-nance). Il faut également des développeurs de l’apprentissage pour accompagner la mise en relation. Ainsi encore, à la rentrée 2018, 20 développeurs expérimen-taux seront engagés pour 3 ans dans les CFA pour renforcer le lien emploi-formation, accompagner la signature de contrats en facilitant la mise en relation apprenant/entreprise, et aider à la collecte directe de la taxe d’apprentissage.

Votre objectif est donc de transformer le paysage légal de l’alternance ?
YC. C'est notre combat. La méthode proposée par le gouvernement est contes-table même si l'objectif reste louable. Cela fait trente ans qu'on attend une réforme de l'apprentissage. Résultat : En France on compte 430 000 apprentis contre 2, 5 millions en Allemagne ! Le taux de chômage des jeunes est de 25% en France contre 7% en Allemagne. Tout est dit ! Je le répète : les objectifs du gouvernement sont louables mais les réponses sont mauvaises.

Que faudrait-il faire ?
YC. Le gouvernement doit unifier l’alternance. En fusionnant Contrat d’apprentissage et contrat de professionnalisation comme s’y est engagé le Prési-dent de la République, il s’agit de conserver le meilleur des deux : pas de limite d’âge et une rémunération échelonnée en fonction des niveaux de formation et de l’âge des alternants. L’alternance doit être une voie de principe et plus d’exception. Les dernières années d’une formation doivent être dispensées en al-ternance. Sauf à justifier de l’impossibilité matérielle ou économique. L’apprentissage doit également se dérouler selon un calendrier pédagogique cor-respondant à la réalité du métier que l’on apprend. Les niveaux I et II de forma-tion ne doivent pas échapper à cette règle de principe déjà appliquée par les Grandes écoles et qui en fait leur succès. Enfin, l’apprentissage dans l’enseignement supérieur doit être porté à 50 % de l’apprentissage total en France.

Selon vous, l’orientation doit être en phase avec les réalités de cette filière ?
YC. C'est mon avis. L’orientation vers l’apprentissage doit être perçue comme une chance voulue et non comme une orientation subie. L’ambition doit être por-tée par l’ensemble des acteurs du Service Public de l’Orientation. Tout n'est pas à jeter aux orties. Mais, nous souhaitons faire valoir nos propositions, qui sont des propositions de bon sens. Nous proposons, par exemple, de déverrouiller tota-lement l'âge limite pour devenir apprenti. Le gouvernement propose de le limier à 30 ans. Nous disons qu'il faut ouvrir cette formation jusqu'à l'âge de la retraite !
Il y a beaucoup à faire pour que l’apprentissage retrouve sa place de filière d’excellence et, pour cela, il faut s’inspirer de ceux qui ont réussi.

Il reste la question des transferts de compétences ?
YC. En effet, le gouvernement semble vouloir transmettre aux régions, une forme de pétard mouillé. C'est une erreur car en région, nous travaillons avec les deux recteurs d'académie. C'est un travail qui va dans le bon sens. Le projet du gou-vernement risque de se traduire par la fermeture de la moitié des CFA de la ré-gion, c'est à dire 35 sur 61 ! 21 CFA sont rattachés directement à une branche professionnelle et pour ceux-là il n'y aucune inquiétude. 35 ne sont pas rattachés à une branche et risquent de fermer, ce qui représente tout de même 20 944 ap-prentis. Ce serait une catastrophe ! Je veux rappeler au gouvernement l'article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les déci-sions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Si l'application de cet article disparaît, c'est la fin de la décentrali-sation. Nous devons tirer le signal d'alarme. J'espère que le bon sens finira par l'emporter.

Propos recueillis par Gilles CARVOYEUR

 

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