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le 16 Août 2025

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Marion Cros, une pharmacienne au cœur de la tempête

À 35 ans, Marion Cros incarne une nouvelle génération de pharmaciens déterminés à défendre un métier en pleine mutation, sans jamais perdre de vue l’humain.

À la tête de la pharmacie Cros (10 avenue du 15ème Corps), elle conjugue rigueur, écoute et engagement dans un contexte local et national de plus en plus tendu. Vice-trésorière de la CPTS (Communauté Professionnelle Territoriale de Santé), impliquée dans la future maison de santé locale, Marion se bat au quotidien pour que la proximité et la qualité du service restent la norme.

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PARCOURS ATYPIQUE

Diplômée de son doctorat en pharmacie, elle complète sa formation par une école de commerce avant de travailler dans l’industrie pharmaceutique à Paris. Rapidement, le besoin de retrouver du sens et du lien la pousse à revenir vers le terrain :
« J’adore être commerçante, mais ce qui m’a manqué, c’est le contact humain. J’ai ressenti un vrai besoin de reconnexion aux gens, de retour aux sources ».

Faute de moyens, elle sillonne tout le Var et les Alpes-Maritimes à la recherche d’une pharmacie accessible, analyse les chiffres et rachète une des plus anciennes officines de Hyères : « La ville est magnifique mais elle manque de dynamisme commercial. L’accessibilité des parkings, malgré la gratuité de la première heure, reste compliquée. Les commerces du quartier peinent à attirer du monde et je trouve que le centre-ville manque d’attractivité pour les jeunes ».

Pour la jeune pharmacienne, l'officine reste un repère de proximité, un confident, un professionnel de santé en qui on a confiance. Elle insiste sur l'importance du service et du sourire : « Les consultations chez le médecin généraliste sont plus expéditives, par manque de temps et surcharge de travail. Eux aussi connaissent des difficultés. Ici, les gens retrouvent une écoute, une continuité, un accompagnement personnalisé. On sait si le chien est malade, les enfants font telles ou telles études. Il y a une vraie complicité, surtout chez les plus âgés, qui ne changeraient de pharmacie pour rien au monde. Une personne vient parce qu’elle est malade. Elle doit repartir avec les bons médicaments, au bon endroit, au bon moment, et surtout avec le sourire. C’est ma priorité ».

MUTATIONS

Le métier évolue vite. La pharmacie doit s’adapter aux nouvelles missions (vaccination, tests antigéniques, prescriptions pour angines et cystites, accompagnement personnalisé) : « Certaines tâches apportent un soutien financier bienvenu, d’autres viennent alourdir la charge. Les prescriptions pour les angines, c’est un plus, mais il faudrait parfois embaucher une personne en plus. Sans oublier nos équipes, qui font un travail remarquable au quotidien pour faire face à tous ces changements ».

Face au désert médical, Marion a investi dans une cabine de téléconsultation, malgré une rentabilité limitée : « C’est essentiel pour dépanner les patients quand il n’y a pas de médecin disponible. Ce n’est pas rentable, mais c’est un vrai service rendu à la population. On perd l’essentiel de nos journées à chercher un produit. Les patients font le tour des pharmacies, c’est épuisant pour tout le monde. Certains renoncent à leur traitement, ce qui peut avoir des conséquences graves. Dans les cas les plus graves, certains finissent à l’hôpital faute de traitement ».

Et, les difficultés économiques et le contexte social compliquent le management : « Les pharmacies de centre-ville doivent se battre pour survivre. On a perdu plusieurs points de marge en 4 ans, ce qui affaiblit notre système économique. C’est fini l’eldorado ! Depuis la crise sanitaire, il y a une volatilité incroyable. Les gens cherchent du sens, mais il y a aussi une perte de repères. Le rapport au travail a changé, c’est parfois difficile de trouver ou de garder des collaborateurs ».

L’inquiétude est à son comble depuis la décision de la Sécurité sociale de baisser les remises sur les génériques, sans concertation avec la profession : « Cela va fragiliser des milliers de pharmacies. On craint 6 000 fermetures et des licenciements massifs. On demande à être respectés, considérés, soutenus. Nous avons été en première ligne pendant la crise sanitaire, il serait temps de reconnaître notre rôle et d’arrêter de toujours faire peser les économies sur les pharmaciens ».

Face à cette situation, la profession prépare des mouvements de grève, en journée comme la nuit, et appelle à la mobilisation des élus locaux et nationaux.

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INNOVATION ET ADAPTATION

Pourtant, Marion regarde vers l’avenir avec lucidité et pragmatisme. Elle croit à une pharmacie de plus en plus connectée, avec une meilleure coordination entre professionnels de santé : « L’intelligence artificielle transforme déjà notre pratique. J’utilise l’IA pour vérifier des interactions médicamenteuses, rédiger des courriers, gagner du temps au quotidien. L’IA va révolutionner le métier, mais il faudra veiller à préserver l’humain, la relation, l’écoute ».

Pour elle, la pharmacie de demain devra conjuguer efficacité, modernité et chaleur humaine :
« Soigner, ce n’est pas seulement délivrer un médicament. C’est écouter, soutenir, éclairer. On a besoin de repères humains, enracinés dans le réel ».

Aussi, la jeune femme lance un appel : « Il faut soutenir les pharmacies de centre-ville, ces commerces de santé essentiels à l’équilibre social, psychologique et médical de la population. On ne demande pas à être surpayés, mais au moins respectés et considérés. Notre système de santé est envié dans le monde entier, il faut le préserver, en prendre soin et l’utiliser avec conscience. Ce n’est pas gratuit, c’est financé par la collectivité ».

Informations :

Pharmacie Cros

10 avenue du 15ème Corps

Hyères - 09.66.84.03.17.

Du lundi au vendredi de 8h30 à 12h30 et de 14h à 19h.

Le samedi de 8h30 à 12h30.

Photos Philippe OLIVIER.