Economie

Coordination Rurale

Max Bauer : « Nous devons retrouver une souveraineté alimentaire »

En marge du Salon International de l’Agriculture, La Gazette du Var s'est entretenue avec Max Bauer.

L’horticulteur hyérois est président de l’antenne varoise de la Coordination Rurale, second syndicat agricole de France.

Quel bilan tirez-vous du Salon ?

Max BAUER. On était contents de voir les citoyens revenir sur le salon. De plus, on a choisi d’interpeller les candidats à la présidentielle sur leurs projets, ce qui a attiré beaucoup de monde. Ça a permis d’échanger, de montrer les inquiétudes des agriculteurs dans un contexte économique difficile.

Quel est encore, en 2022, l’intérêt d’un salon ?

MB. Il est vrai qu’être au salon, cela nous oblige à tenir un stand et cela nécessite de la préparation. Il y a un coût. Mais c’est surtout un lien avec le consommateur, que je rebaptiserais en “consomm’acteur”. C’est une vitrine. Quand on voit des enfants heureux à la vue d'une vache ou d’un cochon, c’est du réel, pas du virtuel. En tant qu’agriculteurs, nous avons besoin de montrer toute notre utilité et la qualité de notre production qui est normée et tracée. Il vaut d’ailleurs mieux consommer du conventionnel [non-bio, NDLR] français que du bio étranger !

La fleur coupée était à l’honneur sur le Salon, c’était une fierté pour les horticulteurs ?

MB. Je suis admiratif du stand parce qu’il met en valeur les serres et tout l'environnement typique de l’horticulture. Gageons que le choix qui a été fait de mettre en avant la tulipe se traduira sur le terrain par des vocations. Je pense aux tulipes emblématiques de Carqueiranne. Toutefois, les autres années, toutes les agricultures locales étaient mises en avant : la viticulture, l’oléiculture, l’ostréiculture ou encore l’apiculture… Même si je suis horticulteur et très attaché aux fleurs coupées, je regrette un peu ce choix monothématique qui a été fait cette année.

Participer à un salon en une année électorale, c’est un enjeu particulier ?

M.B. Il s’agit d’un travail que nous avions anticipé plus d’un mois à l’avance, décortiquant un à un tous les programmes des candidats à l’élection présidentielle pour rendre plus lisibles leurs propositions sur le monde agricole. Concrètement, sur notre site, tout citoyen peut trouver les projets de chacun, accompagnés d’un score de compatibilité avec les idées portées par la Coordination Rurale. 

Qu’attendez-vous des candidats ?

M.B. Il faut arrêter les mots, il faut des actes. Il est urgent de retrouver une souveraineté alimentaire afin de rapidement renouer avec un vrai soutien au monde agricole français et européen. À ce titre, les politiques d’accompagnement sont importantes. Mais, ce que l’on voudrait avant tout, c’est une forme de considération. Dénigrer l’agriculture française, c’est mettre en danger des exploitations, qui finissent par fermer. C’est aussi ouvrir grand la porte aux importations depuis des pays qui ne respectent pas nos normes. 

La question du coût est aussi fondamentale. Tout a augmenté pour les agriculteurs : le matériel, les engrais, le gazole non-routier [carburant spécifique qui alimente notamment les tracteurs, NDLR]. Il y a urgence à réagir.

Êtes-vous inquiet des répercussions de la guerre en Ukraine sur les filières françaises ?

M.B. Nous sommes très inquiets. À la Coordination Rurale, nous avions tiré la sonnette d’alarme depuis des années en prenant à bras le corps la question de la souveraineté agricole. Le président de la République l’a fait sienne depuis l’épidémie de Covid, qui a mis en lumière les difficultés de notre agriculture. Et elle revient sur le devant de la scène. La guerre en Ukraine, “grenier à blé de l’Europe”, va forcément avoir des conséquences. Certaines coopératives françaises sont présentes dans le pays. Emmanuel Macron a annoncé un “plan de résilience". On scrute cela de près. En tous cas, je l’ai rencontré et il apparaît conscient des enjeux. Mais il faut des mesures concrètes et urgentes.

Restons sur l’économie. Que pensez-vous d’EGalim 2 ?

M.B. Depuis des années, on dénonçait que les agriculteurs souffraient de ne pas avoir des prix rémunérateurs sur l'exploitation. En 2018, a été mis en place EGalim 1 [suite aux états généraux de l’alimentation, NDLR]. On aurait pu penser que les choses iraient dans le bon sens. Mais cette année, on fait EGalim 2 car on s’aperçoit que la grande distribution et les transformateurs n’ont pas joué le jeu. En réalité, il faudrait aller vers un EGalim 3 car nous sommes en période d’élections, avons des difficultés à contractualiser certaines productions sorties d’EGalim 2… Nous déplorons que le rapport de force entre le consommateur et la grande distribution prime sur la situation des agriculteurs, qui sont le premier maillon de la chaîne. On souhaite qu’en sortie d’exploitation, nous ayons des prix corrects pour vivre, avec de la visibilité pour ne pas vivre dans la peur du lendemain.

Pour tenter d’atteindre les objectifs climatiques, où en est-on à la Coordination Rurale ?

M.B. L’agriculture écologique est un pléonasme ! Déjà, tout naturellement, on remplit notre mission. Prairie permanente, arboriculture, nos vergers dans le Var, les exemples sont nombreux. À la Coordination Rurale, on réfléchit à la mise en place d’outils qui facilitent le calcul. Car le “plan bas-carbone”, c’est donner de l’argent aux agriculteurs pour qu’ils vendent leurs crédits “verts” à des projets polluants. Mais cet argent ne doit pas venir de notre ministère, il doit provenir de celui de l’écologie. Faire la poche gauche des agriculteurs pour leur remplir la poche droite est inacceptable. Il y a également la question de la paperasse. Le “bas-carbone”, ça revient à racheter la vertu des autres, mais sans les contraintes administratives qui vont avec. Ce qui est regrettable car les exploitants se retrouvent livrés à eux-mêmes.

Quel est votre regard sur la question du bien-être animal ?

M.B. Nous sommes très à l’aise sur ces questions. Concernant le bien-être animal, il y a clairement eu des évolutions. Mais, de toute façon, un animal stressé rend une viande qui ne développe pas tous ses arômes. Partant de là, c’est dans l’intérêt de l’agriculteur de bien s’occuper de ses bêtes. Et puis, le paysan vit au quotidien avec elles. Il les aime. Aujourd’hui, une partie de la société ne comprend pas qu’on emmène des animaux à l’abattoir pour les tuer. Mais cela à toujours été. Et, je le redis, beaucoup de progrès ont été faits depuis la génération de nos grands-parents. La législation impose désormais aux abattoirs de mettre en place des caméras. Ce qui est en revanche problématique, c’est l'exploitation des images par certaines associations. 

Mais à 98%, ça se passe bien ! Faisons confiance au “bon sens paysan” et parlons du mal-être des agriculteurs ! Trop de mes collègues sont partis trop tôt.

Propos recueillis par Julien AZOULAI.

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