Publié par Clément
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A57 – Un chantier, des vies (Partie 3)
En cette fin d'été, nous vous invitons à découvrir autrement le chantier d’élargissement de l’A57 à Toulon (3ème partie).
Non pas à travers les chiffres, les engins ou les délais, mais à travers les femmes et les hommes qui l’ont incarné de l’intérieur.
Émilie WIECZOREK : « Quand l’ambition technique devient une aventure humaine » !

Durant près de sept années au cœur du chantier de l’élargissement de l’A57 à Toulon, Émilie Wieczorek, conductrice d’opération en charge des projets environnementaux chez VINCI Autoroutes, a conjugué une grande expertise technique et une approche profondément humaine.
Elle a piloté, avec passion et écoute, un projet d’envergure mêlant innovation, gestion du patrimoine naturel et insertion sociale. Dans cet entretien, elle nous livre son expérience, sa vision du management et la façon dont elle a forgé des liens durables sur le terrain.
Elle répond aux questions de La Gazette du Var.
Quelle était la nature de votre mission ?
Émilie WIECZOREK. Je suis arrivée au moment du dossier de déclaration d’utilité publique. Ensuite, j’ai tout suivi : études, montage des marchés, puis chantier. Je pilotais les volets liés à l’environnement — écrans acoustiques, bassins de rétention, végétalisation — mais aussi un champ plus inattendu : l’insertion sociale. Mon rôle consistait à faire en sorte que chaque composante du projet s’intègre durablement dans le territoire, techniquement et humainement.
On imagine les contraintes, les tensions, les imprévus ?
ÉW. Étonnamment, ces imprévus ont été un moteur. On est parfois dans des périodes intenses où il faut tout recalibrer, tout réorganiser. Mais j’aime ces moments où il faut réfléchir vite, en équipe, pour trouver des solutions. Il y a une dynamique stimulante dans la résolution collective de problèmes. J’ai toujours préféré les chemins un peu sinueux à une ligne droite sans surprise.
Y a-t-il eu un moment précis qui vous a marqué ?
ÉW. La transplantation des palmiers et des oliviers… Ils ont presque volé la vedette au béton. Dès les premières réunions, on a compris que ces arbres faisaient partie du paysage affectif des Toulonnais. On ne pouvait pas juste les couper, alors, on a choisi de les préserver. C’était une manière de respecter l’identité du territoire, de dire aux Toulonnais : on transforme, oui, mais on n’efface pas. On a déplanté près de 200 arbres, certains énormes, qui faisaient plus de 13 mètres de haut. Ils ont été accueillis et entretenus pendant plusieurs années dans une pépinière, avant de revenir embellir les échangeurs une fois les travaux avancés. C’était inédit chez nous, mais on a tenu bon parce que ça avait du sens. Ce genre de geste, ça raconte autre chose que les métrés, les plannings et les bilans carbone. Ça raconte une attention, une envie de faire bien pour le lieu, pour ceux qui y vivent. Et puis, c’était très concret à raconter à mes enfants : « Regarde, ceux-là, c’est maman qui les a déplacés ».
Justement, comment avez-vous vécu cela à l’échelle personnelle ?
ÉW. Ce chantier a marqué une période fondatrice. J’ai eu mon deuxième enfant ici, j’ai aussi reconstruit un cercle amical, moi qui arrivais de Montpellier. À la maison, ce projet faisait partie de notre quotidien. Mon fils s’extasiait devant les engins, les palmiers replantés, les giratoires végétalisés. Mon conjoint a été d’un soutien constant. Ces années nous ont soudés, dans le respect mutuel de nos engagements.
Et sur le plan professionnel, qu’avez-vous découvert sur vous-même ?
ÉW. J’ai énormément progressé en management humain. J’ai appris à adapter mon langage selon les interlocuteurs : un riverain, un élu, un ouvrier, un ingénieur… Il faut savoir écouter, vulgariser, désamorcer. Je pense que mon bagage environnemental m’a donné une sensibilité particulière à l’impact de nos actions. Mais cette aventure m’a aussi forgée dans ma posture : rigueur, adaptabilité, et toujours, le souci de faire collectif. On a construit bien plus qu’un ouvrage. On a construit une équipe.
Une équipe qui, peu à peu, se disperse ?
ÉW. Oui. La direction d’opération touche à sa fin. Certains sont déjà partis sur d’autres projets. Mais on garde ce lien unique. Ce n’étaient pas que des collègues : on a traversé quelque chose ensemble. On a géré des situations fortes, des moments de doute, des réussites partagées. Il restera de tout ça une immense fierté… et beaucoup d’amitiés.
Un mot de la fin ?
ÉW. Ce chantier est une belle page. Pas juste parce qu’il a été techniquement abouti, mais parce qu’il a été humainement réussi. Si je devais retenir une chose : on peut concilier excellence et attention à l’autre. Et quand c’est le cas, les résultats ne sont pas seulement visibles dans le paysage. Ils le sont aussi dans les regards.
Pierre ZERBI : « Dans les coulisses du chantier, des parcours de terrain à taille humaine »

Sur le vaste chantier de l’élargissement de l’A57 à Toulon, des figures discrètes ont joué un rôle clé dans l’ombre des engins.
Parmi elles, Pierre Zerbi, conducteur d’opération, qui a coordonné pendant cinq ans une succession de phases techniques complexes. Mais au-delà de son expertise, c’est une aventure profondément humaine qu’il raconte.
Il répond aux questions de La Gazette du Var.
Vous êtes intervenu dès les débuts du chantier. Quel a été votre rôle ?
Pierre ZERBI. Je suis arrivé à l’été 2020, avant même le début des travaux principaux. J’ai pris en charge les travaux préparatoires : démolitions de bâtiments, dévoiements de réseaux d’eau, d’électricité, de gaz… tout ce qui permettait de libérer et sécuriser l’emprise pour que NGE puisse ensuite intervenir. Puis je suis passé à d'autres tâches, notamment les voies parallèles à l’autoroute et, à partir de 2023, j’ai planifié les travaux de nuit et les balisages jusqu'à la livraison.
Ce type de coordination suppose une vraie mécanique d’équipe…
PZ. Absolument. On avait des points hebdomadaires tous les mardis, et des échanges quotidiens avec NGE pour ajuster le planning. Les nuits, on fermait des axes, on mobilisait les balisages, on informait la préfecture, les secours, la presse. La réussite, c’était cette organisation au cordeau… mais surtout, cette cohésion humaine.
Justement, comment avez-vous vécu l’aspect humain de cette mission ?
PZ. Je n’ai jamais ressenti de charge pesante. Et en 25 ans d’autoroutes, c’est rare. Il y avait une entraide, une solidarité sincère. On décompressait ensemble, on organisait des petits-déjeuners entre collègues, chacun apportait des spécialités régionales. J’ai même repris le sport à Toulon. On courait entre midi et deux, parfois même au lever du jour.
Cette ambiance a-t-elle eu un impact sur votre bien-être ?
PZ. Oui. J’ai une nature plutôt stressée, je voulais toujours m’assurer que tout se déroulait correctement. Mais le climat de confiance instauré par nos directeurs Salvador Nunez et Michel Castet, m’a permis d’avancer sereinement. Ils portaient la pression globale, ce qui nous laissait de l’autonomie et de la concentration sur le terrain.
Comment votre entourage a-t-il vécu ces années ?
PZ. Mes filles suivaient le chantier. Elles me montraient les avancées depuis la voiture, elles étaient fières. Et elles ont connu mes collègues, lors de joggings ou de sorties organisées. Ce chantier est devenu un sujet commun à la maison. On évoquait les collègues comme des proches.
Un souvenir marquant de cette aventure ?
PZ. La simplicité du quotidien, justement. Des anecdotes sur une trancheuse à saucisson partagée dans la salle de pause, ou un surnom qui revient… Ce sont ces choses-là qui restent. Le chantier, c’était plus qu’un travail. C’était une vraie tranche de vie.
Quel enseignement personnel en tirez-vous ?
PZ. Que rien ne marche sans confiance et sans esprit d’équipe. Il n’y avait pas d’ego, chacun faisait son rôle, sans chercher à se mettre en avant. On se soutenait. C’est ce qui nous a permis de traverser les tensions, les imprévus, et d’atteindre la ligne d’arrivée ensemble.
Un mot de la fin ?
PZ. Je me suis amusé. J’ai appris. Et surtout, j’ai vécu quelque chose de fort. À chaque fois que je prendrai cette autoroute, je penserai à ces années avec le sourire.
Karine REVEL : «L’engagement humain fait la différence »

Entretien avec Karine Revel, assistante administrative chez VINCI Autoroutes.
Dans le cadre de l’élargissement de l’A57 à Toulon, l’effervescence technique se cachait une organisation minutieuse et un engagement humain fort. Karine Revel nous livre l’essence de son rôle administratif et la dimension humaine de son parcours.
En tant qu’assistante administrative, quels rôles avez-vous joués au cœur du projet ?
Karine REVEL. Mon quotidien consistait à gérer le courrier entrant et sortant, à rédiger et suivre les contrats et commandes, et à assurer le contrôle du budget, en collaboration avec ma collègue Isabelle. Nous étions le point de convergence de toute la “paperasse” administrative : de l’acquittement de la communication – impression de flyers, diffusion d’informations – à la centralisation systématique de tous les documents. Sans cette coordination, le chantier n’aurait jamais avancé de manière fluide.
Quelles méthodes utilisiez-vous pour gérer cette masse documentaire ?
KR. Une organisation rigoureuse était indispensable. Chaque document était classé dans notre serveur par dossier, ce qui permettait une recherche rapide en cas de demande urgente. Cette hiérarchisation structurée facilitait les échanges avec l’ensemble des équipes opérationnelles et assurait une parfaite coordination entre les différents services.
Au-delà de l’aspect technique, comment avez-vous vécu l’expérience humaine de ce chantier ?
KR. Ce qui m’a marquée, c’est la proximité humaine qui s’est développée sur ces 5 ans. Travailler dans l’ombre ne signifie pas être isolée ; au contraire, j’ai découvert de fortes attaches avec mes collègues. On se soutenait mutuellement dans une ambiance qui favorisait l’échange. Chaque fois qu’un document était demandé, le sentiment d’être utile et reconnu était palpable. J’ai gagné en ouverture sur les autres, bien au-delà des tâches administratives.
Le stress et la charge de travail étaient-ils importants, et comment les gériez-vous ?
KR. Il y a eu des périodes de rush avec une quantité colossale de dossiers à traiter, mais je ne me considère pas comme quelqu’un de naturellement stressé. Pour maintenir un équilibre, je pratique le yoga et des exercices de respiration. Prendre du recul avant d’agir et analyser calmement chaque situation m’a aidée à transformer le stress en énergie positive. Ces méthodes m’ont permis d’être efficace tout en gardant une attitude sereine et humaine, tant au bureau qu’en dehors.
Quel enseignement retirez-vous de cette expérience ?
KR. Professionnellement, ce chantier m’a appris qu’une organisation rigoureuse et une communication fluide sont indispensables pour tenir un projet d’une telle ampleur. Mais humainement, j’ai été agréablement surprise par la solidarité qui régit nos équipes. Ce chantier m’a permis d’acquérir une vision du travail plus collaborative, avec des liens sincères qui dépassent le cadre strictement professionnel. Aujourd’hui, je me sens plus épanouie et convaincue que, dans la complexité d’un grand projet, l’humain reste le pilier de toute réussite.
Propos recueillis par Pierre BEGLIOMINI - Photos VINCI Autoroutes.