Greenwashing, des projets à contre-courant
Dans notre société moderne, pour justifier certains projets de l'État ou des collectivités territoriales, l'intérêt public est souvent invoqué.
Toutefois, la définition de ce terme peut être floue et sujette à interprétation.
C'est la question qui se pose actuellement à Port Grimaud, une cité lacustre emblématique classée Architecture Contemporaine Remarquable du 20ème siècle. Créée il y a plus de 60 ans par François Spoerry sur un vaste marécage insalubre, cette cité méticuleusement entretenue a su conserver son caractère authentique et paisible grâce à ses résidents et leurs associations.
Qu'est-ce qui distingue un projet véritablement d'intérêt public d'un projet qui, bien que générant des revenus pour une collectivité, nuit à l'environnement, au patrimoine et au cadre de vie des habitants ? Peut-on déclarer un tel projet d'intérêt public ? Et de quel public parle-t-on ?
CADRE DE VIE
Depuis qu'elle gère le plan d'eau en 2022, la commune de Grimaud envisage de transformer les infrastructures du port et d'installer une Zone de Mouillage et d'Équipements Légers (ZMEL) au large de la plage pour accueillir de grosses unités. Ces projets risquent de bouleverser le cadre de vie des habitants de la cité lacustre privée et de perturber très sérieusement un écosystème fragile développé depuis 60 ans. Une multitude d'espèces animales et végétales, dont les posidonies et le corail Cladocora caespitosa, s'est développée autour du port et de la plage.
La démolition prévue par la commune des empilements de blocs autour de la jetée, qui ont créé divers habitats pour la faune marine, entraînerait leur disparition soudaine à cause de la destruction de leur habitat. L'élargissement de la jetée provoquerait la destruction d’espèces en danger comme les posidonies et le corail cité, ainsi que des modifications de la morphologie de la passe d'entrée, perturbant fortement l'échange d'eau et menaçant l'équilibre écologique de l’ensemble du plan d’eau et de la cité lacustre.
Les projets de travaux lourds de restructuration de l’entrée maritime de Port Grimaud sont perçus par une majorité des habitants comme un exemple de « greenwashing », forme de communication trompeuse par laquelle une entreprise ou une collectivité se présente de manière fallacieuse comme écologique ou protectrice de l’environnement, afin d'améliorer son image, tout en ayant des actions ou produits peu respectueux de l'environnement.
AUTHENTICITE
La commune a présenté ces projets comme vertueux, visant à mettre les infrastructures aux normes environnementales. Cependant, un projet éco-responsable devrait respecter l'environnement, l'écosystème et le cadre de vie, conformément aux volontés écologiques du fondateur de Port Grimaud. Ce village, fragile comme Venise, n'est pas adapté aux travaux lourds ni aux grands yachts de plaisance. Il est impératif de préserver l’authenticité du site et l'écosystème de l'entrée maritime pour protéger le patrimoine unique de la cité lacustre pensée et réalisée par François Spoerry.
La commune semble vraisemblablement moins préoccupée par la protection de l'environnement que par la rentabilité économique. Avec un budget de travaux ayant augmenté de 15 à 44 millions d'euros, elle prévoit de construire de nouveaux emplacements pour bateaux de 45 mètres, de démolir et reconstruire les digues nord et sud plus hautes et plus larges et d’agrandir la capitainerie avec de nouvelles emprises sur la mer et sur la plage.
Malgré les justifications avancées par la commune lors des concertations, les résidents locaux, qui ont été peu entendus, contestent ces travaux. Ils estiment qu'ils ne sont pas nécessaires et qu'ils nuiront à l'atmosphère paisible de la cité, à l’authenticité du site, mais surtout à l'équilibre écologique du plan d'eau si fragile. Ils ont la certitude, par l’expérience d’autres lieux, que ces aménagements ne visent qu'à attirer le tourisme de masse, au détriment de l'environnement et de la qualité de vie. L'augmentation du trafic maritime et des activités nautiques encombrant les canaux est perçue comme un signe d'une exploitation commerciale excessive et surtout comme un danger pour les habitants. Face à ces inquiétudes, l'argument environnemental avancé par la commune semble peu convaincant et pourrait être interprété comme un exemple flagrant de « greenwashing ».
QUALITE DE VIE
Les habitants de Port Grimaud ont toujours été très attachés à la qualité de vie et ont su faire respecter par la gérance, la préservation de l’environnement. La cité a été conçue pour permettre une navigation douce, telle qu’est reconnue son architecture, de bateaux de taille raisonnable. Elle reste et souhaite rester avant tout un lieu de vie tranquille, organisé comme un village avec son église, son marché, ses commerces et services médicaux. La sécurité est essentielle aujourd’hui, toutefois ouverte sur l’extérieur mais sans les excès des marinas ou grands ports de la Côte d’Azur. Port Grimaud n’étant pas un port mais une cité lacustre privée que les résidents ont financée et dont le quai d’amarrage est indissociable de la maison.
Une enquête publique est prévue pour déterminer si les projets répondent aux critères d'utilité publique. Quels critères doit-on retenir pour juger de l'utilité publique de ces projets ? La rentabilité économique est un critère, mais elle doit être évaluée par rapport aux coûts sociaux, environnementaux et écologiques.
Un projet d'intérêt public vise à répondre à un besoin collectif ou à améliorer la qualité de vie de la population. Les projets d’intérêt public se distingueraient par :
Une accessibilité universelle,
Une amélioration de la qualité de vie des riverains,
Une équité et justice sociale,
Un bénéfice non-marchand,
Une rentabilité économique.
En revanche, les projets spéculatifs peuvent entraîner des conséquences écologiques et sociales désastreuses, comme le démontre le cas de Port Grimaud.
En conclusion, et pour répondre aux habitants sur l’avenir de leur cité lacustre privée. Avant toute décision, il est crucial d'évaluer si les projets de la Municipalité pour Port Grimaud sont véritablement d'intérêt public.
Transformer une cité lacustre tranquille en pôle touristique au détriment de l'environnement et du patrimoine n'est ni d'intérêt public ni éco-responsable.
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